Tuer son manager?

Une société du management est un calvaire, une forme d’oppression pour celui qui, chaque matin, se réveille pour faire son travail de chien. Il est loin le temps des usines et des contremaitres. Désormais, ce sont les managers qui lèvent le poing sur le laborieux du Tertiaire. Que ce soit dans le secteur public, ou le secteur privé, cette nouvelle façon de diriger les troupes, est une forme d’adaptation à l’individualisme consumériste humaniste des citoyens urbanisés. Le sous-fifre est appelé « collaborateur », et le chefton s‘intitule « manager »… En réalité, et de fait, celui-ci joue le rôle du contremaitre. Il n’a aucune marge de décision, aucune capacité à gérer entièrement son service. Il est l’intermédiaire, le distributeur d’ordres. Ce manager use son intelligence, s’éreinte mentalement pour faire passer la pilule des ordres, contre-ordres et des changements de stratégie permanents de la direction. Ceci n’est pas réalisé dans le but d’augmenter la productivité, mais bien de soumettre l’être, l’infantiliser et le former à l’état d’esclave. Mais entendons-nous bien, il ne s’agit pas de l’esclave des champs de coton que l’on motivait à coups de triques, plutôt celui qui faisait office de gouvernante, d’assistante de la maitresse de maison. Le confort des lieux et l’humanité du chef y étaient centraux. Le salarié, employé qualifié ou non, le cadre moyen ou supérieur, sont des alvins qui servent de pitance à toutes les espèces plus grosses qui grouillent dans la rivière. On a trop tendance à distinguer les travailleurs salariés des chômeurs, les cadres des employés… En réalité, tout ce petit monde est une armée structurée qui œuvre dans une guerre économique majeure. Cette dernière s’est substituée aux guerres classiques, faites de chairs à canons, d’engagés ou d’enrôler en uniformes. Le management, c’est l’organisation militaire des troupes. Les traités, les lois touchant à la fiscalité, les finances, les subventions, les transports et le droit du travail ainsi que l’éducation sont les armes et leurs cartouches. Les médias, et les journaux télévisés en particulier, sont les outils de propagande. J’ajoute que la publicité bombardée sur toute la population est l’ultime projet politique des dirigeants : une sorte de gnôle frelatée qui bourre bien la gueule. Dans ce contexte, les appareils politiques servent l’illusion démocratique. En aucun cas les communistes ne seraient plus humanistes que les autres. Chavez, aujourd’hui, en est l’exemple parfait. Tout comme les citoyens américains sont abreuvés aux crédits et au show biz, les Vénézuéliens sont saoulés aux subventions d’état et à un formatage mental et intellectuel qui vaut celui des capitalistes. En réalité, la guerre mondiale, nous la vivons, mais sa forme nous désarçonne. Cela n’enlève rien au fait que le troupeau est en rang serré, attaché à servir le conflit et les intérêts de ses chefs. Voter est cette douce plaisanterie vendu comme un droit et une valorisation du sbire. C’est ainsi. Maintenant, il y a Malik, fraichement sorti de taule et qui n’aime pas ceux qui aiment, ceux qui aident, ceux qui le comprennent. Malik n’a qu’une idée en tête, à jouer dans la guerre, quitte à se faire buter… Le manager, c’est François, un ancien éducateur, divorcé, deux enfants, portant un costume pour aller au boulot, souriant à pleine dent et jouant le conciliant, le compréhensif. Dans son service, à l’agence bancaire planté à Puteaux, il est apprécié des conseillers financiers, des femmes à l’accueil dont il a la charge. On lui demande d’augmenter ses chiffres, de dépasser les objectifs, et pour ça, il souffre de réunionnite, il organise des briefs, des débriefs, des entretiens individuels de performance. François est un sergent, chargé de la tranchée F124 sur le Front de Gennevilliers. Il n’a pas une vision globale, simplement une vision de terrain. Son secteur est truffé d’ennemis, d’autres agences concurrentes… Il a organisé ses troupes en Front et Back Office. Certains, armés d’une âme de conquérant, des commerciaux qui ne se posent pas de questions « inutiles », attaquent le marché et conquièrent des parts. D’autres, plus méticuleux, discrets, sont chargés de l’infirmerie, des RH bien sympathiques et exigeants qui se chargeront d’évacuer les corps, le cas échéant… Malik est assis dans le fond, et écoute François avec attention. Il est stylé, en costard, l’œil brillant du nouvel employé. En mars, il a été recruté après avoir participé à cinq entretiens. Bien sûr que ses origines ont posé problème, mais il a su inverser la logique et se faire recruter. Sous la table, ses pieds sont croisés, et le pied droit tremble. Malgré sa détermination et son intelligence, il a beaucoup de mal à suivre. Le jargon de la boîte s’apprend. Mais il y parviendra. Voilà le tableau. Le monde est ainsi fait. Petits alvins ne vous levez pas, surtout pas pour vous indigner ou faire une quelconque révolution. Ne faite rien. Croupissez si vous avez conscience de ce monde, ou foncez dans le mur. Ce texte est à chier. Totall

Commentaires

jac-zap a dit…
Georges Darien "L'Ennemi du peuple" 1er décembre 1903
« Parmi les nombreuses et ridicules croyances des malheureux, figure celle-ci: leurs misères doivent nécessairement exciter la sympathie. C'est, vraiment, la plus tenace de leurs convictions. On ne saurait trop, dans leur intérêt même, leur démontrer à quel point une telle croyance est grotesque. Si les déshérités étaient les victimes d'un sort impitoyable, et s'ils ne pouvaient en aucune manière améliorer leur position, sans doute conviendrait-il de les plaindre, et peut-être de porter jusqu'à l'amour la pitié inspirée par eux. Mais il n'en est point ainsi. Les malheureux, en dépit de la chanson, ne sont pas malheureux malgré eux. Ils ne le sont que parce qu'ils le veulent bien.

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