Je vais souiller les draps pendant longtemps... | 03 septembre 2008

Je vis pas sous un pont, pas encore.

C'est rien.

Je suis arrivé à 8h46 au boulot.

La chef m'a dit:

"Encore à la bourre Andy?"

Je lui ai dit que je pouvais pas arriver à l'heure à cause des horaires de bus.

"Et comment font tes collègues Andy?"

J'ai repris une bonne bouffé de l'air pourri de mon bureau.

"Bon on fait quoi? On parle de mon retard toute la matinée là? C'est mon boulot de parler de mon retard et des horaires de bus? Mon boulot c'est de faire tourner la boîte et te permettre d'avoir des primes sur nos résultats... Alors tu comptes mes cinq minutes de retard du matin, et tu oublies les heures que je fais en plus chaque soir... Je vais te dire un truc."

Elle a commencé à ouvrir sa bouche pleine de rouge à lèvres -qu'est-ce que ça peut être con les femmes avec ces apparats féminins qui semblent les faire mouiller à la seule pensée qu'elle les porte -

"Je vais te dire un truc, alors je le dis et tu me fais pas chier... On s'en branle de mon retard, on s'en branle des collègues qui arrivent à l'heure et qui font semblant de bosser pour te faire plaisir...

On s'en fout de cette boîte à la con. Moi je m'en branle de ta boîte et de ses chiffres aliénants. La vie de chiotte, je la décore avec des illusions - vacances de merde au soleil, séances de cinéma à la con, baise cochonne avec ma compagne - comme tu décores ta bouche de suceuse avec un rouge que tu as choisi comme on sélectionne un gode...

Je suis là parce que je dois payer mes factures, que je suis lâche, que j'aime avoir un frigo plein, ne jamais penser à Dieu, n'avoir plus qu'un sens critique réduit à sa portion congrue. C'est pour ça que je vote, que je choisis les socialistes au second tour plutôt que leur dire d'aller se faire mettre.

Je viens 5 minutes en retard chaque matin parce que je me lève trop tard, je picole tous les soirs... Parce que je pense que ma vie, c'est de la merde, alors je l'estompe avec du vin, beaucoup de vin. Comme tu me vois là, j'ai une migraine cinglante, la haine de ta gueule et celles des collègues qui reluquent en coin. J'ai pas envie d'aller dans une salle de gym pour "entretenir" mon corps. Mon corps je l'ai livré à l'alcool, aux médocs, à l'angoisse, la  tristesse et ma lâcheté d'occidental planté dans un confort qui n'est autre que ma tombe.

Je me suis levé ce matin de mon canapé. Je savais même pas que je m'étais vautré sur ce canapé de merde. J'étais tellement bourré cette nuit. J'ai pleuré, j'ai ri, j'ai traité des connasses de pute sur Internet, j'ai écrit des textes vomitifs, je suis même allé dehors et j'ai savaté un connard qui m'avait hurlé "connard"...

J'ai changé de boulot plein de fois, j'ai voyagé, j'ai pris l'air, j'ai fait des sports, j'ai vécu fauché, j'ai vécu dans l'aisance, j'ai vécu avec quelqu'un et j'ai vécu seul. Rien n'y a fait. La vie me fait chier. J'aime rien de la vie. J'aime pas la mort. Je veux pas mourir, mais j'aime pas la vie. J'ai plus de sensations. Je pousse le bouchon au maximum pour sentir quelque chose. Je me tape des shemales avec plein de bleus sur la peau , pour quelques dizaines d'euros, je triple les rations d'alcool, de shit, de médocs pour me bouleverser jusqu'à l'évanouissement, je me bats avec des mecs dans la rue pour sentir leurs coups et sentir les miens faire craquer leurs os et leurs cartilages.

Y a pas un jour où la vie ne m'ennuie plus. Rien ne m'amuse. Je regarde des comiques à la télé pour rire. Quand je vais dans une soirée ou un concert ou une représentation théâtrale, c'est pour foutre le bordel, gueuler, balancer mes verres de bière dans la gueule des gens... J'en ai marre qu'on se foute de ma gueule parce que je veux qu'on détruise le capitalisme, j'en ai marre de voir ces jeunes cons qui s'éjaculent dedans quand moi je mets des heures à bander... Le cul me fait chier. J'ai tellement eu d'orgasmes dans ma vie de merde, que même ça, ça me gonfle. C'est prévisible, c'est trop court. J'aimerais un orgasme qui dure dix ans avec les yeux qui roulent dans les orbites, la bite qu'en peut plus de bander, le ou la partenaire comme seule substance fiable pour me mettre en sueur et en syncope...

J'en ai plein le cul des repas de midi avec les collègues "tu manges quoi toi? T'as regardé le reportage sur les transexuels à la télé hier? Tu lis quoi comme livre en ce moment? Oh lalaa faut que j'emmène ma bagnole à la révision... " J'en passe putain. J'en ai marre de faire un truc dont la seule motivation est le salaire. J'en ai plein le cul d'entendre des blaireaux qui bossent dans la com', dans l'édition, dans la presse dire "j'adore ce que je fais c'est épanouissant..." Ce qui est épanouissant c'est de jouir non stop et crever à la fin. C'est ça la vraie vie. J'aurai pas cette vie, alors je quitte mon poste, je te dis de bien te faire bourrer le cul par ton mari et sa tête de pine-qui-aime-ses-enfants-mais/il.est.chiant.avec.ses.matchs.de.foot/et-il-fait-jamais-lavaisselle..."

J'ai fait un bras d'honneur à tout le monde. Me voilà à la bière à 9h47 du matin... Me sens bien... Je sais que si je pousse la picole au max, je serai mort ce soir...

Andy Vérol