Les « Justiciers Milliardaires » s'occupaient de ces tarés d'aveugles... | 25 septembre 2008

Mais le plus important, l'essentiel, était de se divertir. On montait dans des vieux cars qui sentaient des drôles d'odeurs. Histoire de se mettre des roustes, se presser les roustons, s'arracher les vestons, s'bourrer le menton, on se foutait dans l'fond... On s'entassait dans le fond, envers et contre l'avis de l'instit gentil de CM1 - CM2. Il était gentil l'instit. Il se faisait toujours pousser une moustache en fin d'année et nous obligeait à faire des planeurs en balsa. Il était gentil parce qu'il se foutait bien que l'on soit issu de la classe moyenne ou d'l'autre là, l'ouvrière, de classe. Son truc, c'était de nous montrer comment vivre, et non survivre, sans consommer, sans être contraint par l'économie de marché. Parce que lui, oui, dès 1980, il pensait, était persuadé que l'on allait là où nous allions nous perdre. Alors finalement, à la fin de l'année scolaire, au moment de la fête des écoles, on se disait qu'on avait de la chance de l'avoir c't'instit-là...

Bon on se mettait dans le fond. On riait, on chahutait (on se foutait sur la gueule quoi et j'ai pas envie de le dire façon l'vérol j'ai l'pendouille mollasson today, you see ?). C'était les odeurs de sueur et la brutalité des mecs entre eux qui m'enivraient. J'en avais besoin. On en avait tous besoin, comme mis sous vide par des pulsions de destruction. Avant l'heure. L'heure. C'était l'heure. Les impondérables. Les inévitables aussi, du type montrer son cul et ses couilles par la fenêtre de l'arrière du bus à un couple de vioques en partance pour les vacances dans une Simca marron laideron. Laid. On ressort souvent l'histoire des sous pull, ce genre de conneries « gaga-ifiantes » que Cauet, ce gros con érige en rires gémis geints sur la première chaine salope de France. Il n'y avait pas que des fringues et des dessins animés. Il y avait la sensation qu'on allait mourir violés par notre époque. Un pic à glace dans le fion, une furieuse et fastidieuse bousculade vers les enfers. Phé-no-mé-nal. L'aller dans le bus, au lac des Vieilles Forges était comme un départ en 747 pour un carambolage historique dans les tours jumelles de Manhattan...

On était dingues, certains de vivre une très longue période hors de l'autorité parentale. Car nous avions des parents pourris. Comme tous les parents. On était la chose aimée ou détestée, on était la viande de nos géniteurs, de nos éleveurs de papa l'alcoolo violent ou de maman la pute servile. C'était le quartier qui voulait ça. C'était la façon naze qu'avaient nos darons et daronnes de nous enlever de leurs boyaux pour nous jeter comme le placenta, dans la poubelle odorante du monde.

Le bus crachait souvent des nuages noirs à chaque accélération. Le chauffeur était râleur et, avec son micro dégueulasse qui hachait ses phrases avec des larsens hardcore, il nous engueulait sans cesse, tout le long du trajet, parce que nous n'appliquions pas strictement ses consignes. Nous entonnions des chansons paillardes, nous faisions des batailles de boulettes, de miettes, de terre séchée extirpée à nos semelles de crêpes - hum les crêpes à la chandeleur, les nuits de dépression avec le sucre des gaufres carré au fond de la gorge je pars où là ? Stop - nous nous insultions... « Espèce d'enculé » ou « pédé » étaient populaires. Je n'arrivais pas à me résoudre que des garçons puissent se toucher la nouille, se sentir mutuellement les pipis. Il nous arrivait de se sentir tout chaud à la vue des bourses d'un pote, mais nos géniteurs et/ou éleveurs de parents nous avaient bourrés le mou avec des conneries du type « c'est sale, et Jésus a dit que t'irais en enfer si tu fais ça. ». ça donnait envie, l'enfer. Tout ce qui concernait cet enfer si terrifiant, était tentant. C'était beau, délicieux, jouissif. Et nous voyions parfaitement que nos parents, ces fanatiques des principes, des règles et des lois passaient outre dès qu'il s'agissait de leurs faces de rats.

Alors lorsque nous allions en classe verte au lac des Vieilles Forges avec l'instit gentil, nos concours de pets, le chauffeur méchant, les filles avec un p'tit duvet d'poils blondinets sur les guiboles (y avait aussi les poils plus épais noirs) et les zizis souvent tout durs, c'était la fête. C'était un échantillon de l'enfer tant rêvé, ce monde où les règles débilitantes que nos parents nous inculquaient, étaient altérées au point de n'être plus que de patentes règles comiques. Comiques. Comiques.

Aller là-bas, c'était jouer sur l'eau glacée en hiver, se les geler en été dans l'aqueux dégueu envahi des boues mollardées par les fonds au printemps.

C'était aussi roupiller dans des lits gigognes, et surtout, c'était rencontrer monsieur et madame Laitron qui, non seulement s'occupaient d'entretenir les locaux de cette colo paumée des Ardennes eud'France, mais aussi de gérer, tous les week-ends, et parfois durant les vacances, des colos, mini-séjours pour les handicapés mentaux, mais aussi les handicapés physiques.

Lorsqu'on déboula, cette fois-là, dans les locaux pointus/bois d'l'hébergement agréé par l'éduc' nationale et l'ministère de je sais pas où, les Laitron avaient en charge une dizaine d'enfants aveugles, tous plus bizarres les uns que les autres, du moins, à nos yeux de gosses sans lacunes physiques particulières.

On resta figé en groupe devant le spectacle de ces enfants qui suivaient un cours de danse... C'était horrible. Hutchinson me pinça le cul avec un  sourire en coin. Pour nous, ces gamins aux yeux en panique dans les orbites, ça n'était que des tarés, des choses vivantes dérangeantes...

Heureusement le couple Laitron était là pour jouer les médiateurs et faire passer la pillule. Notre instit' gentil dit « ces enfants méritent notre respect », et monsieur Laitron répondit : « Certes, mais ce sont surtout des enfants comme... toi... toi... et toi... ou toi encore. » J'avais envie de faire pipi de peur de me dire que ces têtes de débiles allaient dormir dans la chambre à côté de la mienne. En même temps, j'avais mal au cœur pour eux. Enfin,  je sais pas, j'mélangeais tout. Je sais une chose, les Laitron, on les appelait les « Justiciers Milliardaires » comme dans la série où Jonathan et Jennifer Hart étaient des joyeux serviteurs des causes à la con.

A suivre...

Robert de Niro n'est plus un héros (Bio et pseudo-bio d'Andy Vérol en cours d'écriture) Andy Vérol

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