Sur des lèvres multiformes


Menaces de mort dans une coquille vide. Tout commence avec les douleurs dans le bas du dos, une dent qui provoque de la fièvre et un coton mouillé coincé dans l'oreille. Il scrute les écrans. Il est Hector Vugo, vigoureux, incorrect lorsqu'il pense à sa sœur avec ses nichons, ses mains qui sentent bons. Il reste attentif. La machine lui balance des dizaines de mails et sms avec les mots clefs prédéfinis. Il y a beaucoup d'échanges sexuels, des mitrailles de photos de sexes photographiés à bout portant, des visages aigres et des langues courant sur des lèvres multiformes. Chaque nuit, de chaque jour, il doit être vigilant. Le mot "terroriste" est le plus prisé, le number one choisit pas les bigs boss. C'est un jour comme les autres, une nuit doit-on dire, d'une monotonie épuisante. Le spectacle est toujours le même. Parfois, dans le lot, les vagues, les lames de fond de messages agités d'envies sexuelles, il y a un taré qui se détache du lot, un collectionneur de photos de fillettes et de petits garçons, ou un nazi/un islamiste/un fâché du système qui correspond avec l'autre, lui exposant ses plans à demi-mots, fiévreux, encouragé par l'alcool ou la ferveur religieuse, promettant d'écraser l'ennemi, de se faire sauter dans un avion, un train, un bar. Hector tue le temps en tutoyant le brouhaha des machines. Il fignole, annote, ordonne au système de zoomer sur untel ou un autre. Quand il sent que les échanges cachent une menace réelle, il décroche le téléphone crypté qui trône devant lui et prévient Benoît: "Code 501. J'en tiens un". Il est un "piqueur" gradé. Colonel avachi sur son fauteuil Président chargé de trier le monde des messages, des coups de fil, des communications privées. Il est l'un des 120 000 engagés à travers le monde, que l'on paie pour sécuriser l'Humanité, pour repousser l'ennemi, pour tenir le siège de ceux que l'on nomme les Métastases.

L. Houssam
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