Hervé Vilard, il préfère aux pauvres... | 27 novembre 2008


Il attrape sa main, boursuflure graisseuse à la jonction de son bras/sa main... Son poignet. ça braille dans tous les sens. Il reste confortablement écrasé dans son fauteuil géant. Le lard câlé face aux tremblements du monde, les jeux d'gladiateurs que la télé diffuse sans arrêt...
"ANNA-LISA, APPORTE-MOI UN AMERICANO!
- Vas te faire foutre."
Sa fille de 15 ans est une crevette qui s'habille en pute. Disons qu'elle n'a pas totalement compris la raison pour laquelle ses copains de classe l'affublaient de cette fonction. Pute. Il avait bien tenté d'en discuter avec elle. Mais malgré ses résolutions de jeunesse, celles du jeune papa dynamique et plein d'espoir qu'il avait été, il ne peut pas la saquer et pense (intimement, secrètement presque), qu'elle n'est rien d'autre qu'une pute. C'est un tout petit peu plus fort que lui, c'est tout juste au-dessus de sa détermination à ne pas se laisser manger par un machisme rampant refoulé et une prédisposition ancestrale des hommes à qualifier vite-fait bien fait les femmes... Surtout lorsqu'elles sont jeunes, et en devenir...
Il zappe mollement. C'est Bastien, l'petiot le coeur sur la main, de tout juste 8 ans aujourd'hui, qui lui apporte son Américano-sucré++rondelles d'orange... Deux glaçons, une paille. Et les yeux qui brillent vers l'intérieur de bonheur. Une chose comme ça.
La lumière solaire entre abondamment dans le salon. La baie vitrée, l'effet vérandas. "Les mains d'expert d'mon maçon de beau-frère." Jean-Paul, le frère aîné de sa femme retourne les chipos et les merguez en avalant des Ricard et en postillonnant le dernier championnat de Ligue 1 avec Michaël, l'aîné, le boutonneux branlator de 17 ans... Le spécialiste des caresses intimes en milieu non protégé... C'est ainsi qu'il le découvrit se vidant joyeusement dans une culotte de sa soeur, debout, nu, au milieu du jardin.
"Tu fais quoi Mike?" (L'avait voulu qu'on l'appelle comme ça... Il lui avait sans doute transmis par ses gènes, l'American dream aux odeurs de pieds de sa jeunesse).
Le gamin avait rougi, rangé sa queue et proféré quelques insultes avant de fuir, tout froc baissé, le boxer Dim coincé dans la raie... Un grand moment de solitude pour le fiston, mais aussi pour le père... Il avait attendu un tel moment depuis la naissance de son fils. Il savait que ça arriverait, que lorsqu'on est un adolescent en forme, la queue est une espèce d'esprit qui possède le corps et conditionne les déplacements, les humeurs, les illogismes de cette phase débilitante de l'existence... Il avait tout prévu. Il serait compréhensif. Discret. Il n'essaierait pas d'être castrateur en lançant un "Tu fais quoi Mike", direct et tranchant.
Tout faux...
Bon, et Michaël est un passionné de football. Son contraire en sorte.
"Le foot est un sport de cons! Tous les sports, c'est de la merde! C'est tout ce qu'on a trouvé pour compenser le fait qu'on ne se tuait plus dans les champs!
-P'pa, t'es un vieux con.
- Tu parles pas comme ça à ton père!"
Il ne savait pas comment la famille qu'il avait créée avec sa Jules, à la force de ses éjaculations, de ses certitudes libertaires d'antant, ses angoisses, s'était muée en espèce de fratie typique franchouillarde, avec tous les défauts, et quasiment aucun avantage... Le temps ratatine les bons sentiments et les révoltes saines et constructives. Il zappe de nouveau. Au journal télévisé qu'il contourne généralement, ils s'évertuent à faire des reportages sur les sans-abris... Il ne peut plus supporter les pauvres. Il ne peut en aucun cas les piffrer. Il les hait...
Ses orteils apparaissent comme des voiles de navire sur l'horizon, au-delà des limites de son océan-bide...
Les écouteurs vissés dans les trous de ses oreilles, il écoute, savoure des morceaux téléchargés d'Hervé Vilard... C'est une découverte délicieuse, pour lui qui fut, des années auparavant, un malade de punk hardcore et autres musiques hurlantes...
Robert de Niro n'est plus un héros... (Extrait du prochain roman)
Andy Vérol

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