Cergy, ville poufiasse jaillie de la terre pour digérer les minables | 02 novembre 2010

Vigile-psy. Putasseries nocturnes et défonce non-salutaire. La pluie tombait, giflait, froide et mes mains tremblaient. J'avais déjà enquillé 5 8/6 et 2 Xanax. La nuit est parfois tarée, gifle SM le corps des battus. Bien entendu je marchais en zigzaguant, titubant contrôlé, l'esprit fracassé par l'alcool et une obsession pétasse : faire bonne figure à l'entrée du Pub. Les deux blacks balèzes me toisèrent à la porte de l'O' Sullivan, Cergy, ville baleine échouée en banlieue.

« T'as déjà bien picolé non ?
- Nan trois pintes.
- Ta femme t'a quitté ?
- Non j'suis pédé.
- Ton mec alors ?
- Non l'inspiration.
- Hein ?
- Laisse tomber.
- Lève une jambe. »

Je m'exécutai comme un clébard assoiffé de mousse. Genoux levé, l'équilibre bousillé, je fis une embardée ridicule sur ma droite, avant de me rattraper sur l'épaule d'une étudiante accoutrée comme une pute.

Le Mike Tyson des deux m'indiqua que je pouvais entrer, d'un simple signe de la tête. Il avait un sourire carnassier dessiné sur son visage de puncheur mal rémunéré.
A l'intérieur, la soupe pseudo-festive diffusée par des amplis taillés pour des live à Bercy, crapahutèrent jusqu'à mon oreille interne. J'étais entré dans le cœur du cœur du top de la night de merde. Le O' Sullivan est encaissé dans un bâtiment difforme de type « architecte qui se la joue histoire de se démarquer ». L'endroit est lugubre, moite. La foule s'y entassait, discutant, tortillant. Morne Halloween qui enthousiasmait ces jeunes cons stressant pour quelques malheureux partiels, concours et autres gâchettes diplomantes qui les mèneraient inexorablement à une vie de beaufs occidentaux, s'étaient déguisés, se prenaient en tof dans le but avoué d'exhiber leurs états festifs sur leur Facebook.

J'avais la tête en vrac, les mains tremblaient de plus en plus. Je parlais à un mec brun, dont je ne connaissais ni le prénom, ni la provenance, ni l'âge. « Ah ouais cool, Andy Vérol, putain t'assures. Faut que je lise tes trucs, j'ai jamais pris le temps. »

J'engloutis trois pintes d'affilés et commençai à prendre des photos des gens, cette masse sans forme qui ressemble beaucoup à ces amas de fourmis mandibulant un cadavre de scarabée. Ils avaient tous envie de faire l'amour. Ça se voyait. Ils avaient envie de se vautrer les uns dans les autres, mais, comme dans tous ces endroits grotesques où l'on vient simuler la joie et la branchouille façon TF1, on n'obéit à des codes, on refait sans fin le jeu de la pauvre drague : se frotter en dansant, « alors t'écoute quoi comme zic ? », « tu fais quoi comme étude ? », « t'es venu avec qui ? »... Blablabla. Tous les rituels de la séduction : un estomac plein de merde, d'ulcères, et de neurones digérés. Il n'y avait pas un pet d'esprit, pas une once d'intelligence, simplement des bonobos accoutrés criant des refrains variétoches, body-body-touchant, chantant le grotesque de leurs existences stéréotypées. Je les haïssais. L'alcool mauvais. Un des blacks, vint choper mon épaule :

« Tu sors !
- Pourquoi ?
- Parce que tu prends des photos...
- Et alors ?
- C'est interdit...
- Pas vu l'interdiction à l'entrée.
- Sors et arrête de discuter. »

A l'entrée de nouveau. La nuit, les lampadaires, les clopeurs interloqués et ces deux molosses vaguement dangereux. Je n'avais qu'une idée en tête :

« Terminer mon verre steuplé j'l'ai payé... »

Surgi alors un freluquet, un des serveurs, menu, blond, carrément branleur :

« Monsieur je peux voir les photos et les vidéos que vous avez prises ?
- Ouais mon p'tit. Fais gaffe y'a peut-être moi en train d'enculer un de ces connards d'étudiant dans tes chiottes... »

Il mata mes clichés flous, laids : « ça traduit bien l'ambiance de ta soirée non ?
- Moi je veux voir si vous avez pris des photos des filles.
- Argh, mais je m'en carre des boudins qui jouent les belles.
- On sait jamais.
- C'est cool, Andy Vérol effraie tout le monde ! C'est moi l'boss de ton Halloween fuck off.
- Pardon?
- Rien mate mes tofs, ce sont des tofs faites par une star, en avant-première. Je peux te prendre toi ? Je vais faire de toi la vedette de mon prochain texte. C'est pas la classe ça ? »

Pour une raison qui m'échappa, il me permit d'entrer de nouveau. Ce que je fis, pour terminer ma bière chaude et en rajouter une couche. Connard comme je suis, je commençai à le canarder avec mon appareil photo : « Je vais faire de toi une star, jeune branleur ! »

Manu militari. Ville de lampadaires. Histoire d'un soir ressemblant à tant d'autres soirs. Le Mike Tyson du ring vide s'étouffa un instant de colère :

« Putain mais t'es bourré, tu provoques, tu fais chier, tu cherches quoi ?
- J'ai envie que tu me castagnes grand fou !
- Tu fais mal au cœur, t'es complètement bourré...
- A cause de l'alcool que vous vendez et qui te permet d'avoir un salaire mon ami, pour virer des mecs comme moi, bourré. Faut bien justifier ce salaire de misère non ?
- Qu'est-ce que t'as ? Pourquoi t'es comme ça ? t'as eu des soucis quand t'étais petit ?
- Ah ah ah ! La meilleure ! Le vigile psy ! T'as une formation exprès ? Tu vides les mecs bourrés et ensuite tu les allonges sur le sofa à coup de boule ? « Alors t'as eu des problèmes avec ton papa quand tu étais petit ? ». Ah ! Vigile-psy ! La meilleure de l'année ! »

Il se mit à rire à son tour, réalisant l'absurde de sa méthode. Vigile, psychologue... A la ramasse, on s'entasse dans ces trous à picole pour finalement avoir à justifier de sa défonce à ceux qui en font leur beurre. O' Sullivan, pub navire à la coque pleine de trous, espace de diffusion de soupe tubesque, bar à tapines gémissant simulé à l'appel des mâles merdiques. Cergy, ville poufiasse jaillie de la terre pour digérer les minables, les classes-moyenneux aux rêves médians...

J'achevai mon fou-rire sur un banc trempé. Les légumes mangés s'étaient sans doute déjà transformés en diarrhée. Promesse de migraine...

Andy Vérol

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