La crise, mon Hummer, malgré la mort autour | 24 octobre 2011

La crise est née en 1973 et ne s'est jamais arrêtée... Le mot crise est planté à la face des gens de façon chronique pour combattre tout désir de changement du système: 1973, 1979, 1982, 1987, 1993, 1996, 2001, 2008... Systématiquement les "crises" ont une durée de vie de 3 à 6 ans. Les phases dites de croissance (bien que durant toutes ces crises, sauf celle de 2008 créaient de la croissance quand même), ne durent qu'un à deux ans. En réalité, chacune de ces crises a servi au détricotage des services publics, des pouvoirs publics et des politiques publiques. Sous la pression de lobbies économiques qui, eux, font d'énormes bénéfices, en phase de crise ou non, les politiques imposent, en utilisant l'outil télé (à leur solde et celle des grands patrons) comme moyen de plomber le moral, faire peur, et asseoir une politique qu'ils ne qualifient jamais d'austérité... Comme le soulignait si bien un lecteur, l’alcool, les médocs mais aussi les jeux de fric jouent aussi leur rôle d’endormissement. Ainsi Mon Usine va-t-elle prospérer, trônant au milieu d’un cataclysme mou s’installant lentement dans toutes les strates du monde. Et pourtant le bâtiment gigantesque et imposant, sera prospère, bien achalandé, rempli d’une clientèle heureuse, avide de nouveautés, de ces boutiques extraordinaires transformant leurs cauchemars en rêves si doux. Ils pourront aussi se régaler des images d’un monde plus optimiste où se côtoient des élites savantes aux accents caractéristiques des Mégapoles/Capitales. Elles interviendront dans les différents studios loués à des chaines cathodiques offrant une autre vision à ceux qui posséderont encore une télé en état de marche. Il ne s’agira pas des Raisins de la colère de Steinbeck, et encore moins de 1984 d’Orwell. Bien sûr, Mon Usine sera entourée de très hautes clôtures grillagées bardées de barbelés. Ces dernières seront pourtant camouflées par des trompe-l’œil peints par des artistes de la rue, des artistes institutionnels… Ils rappelleront aux clients, aux employés, à l’équipe de direction restreinte, que rien n’est impossible, que le cataclysme dont se plaignent les masses, n’est que la résultante de leur ignoble soumission aux élites… Et je trônerai là, la nuque posée sur le cuir de mon fauteuil, les yeux obliquant sur mes chéris, mes écrans, mes amours… En caleçon, profitant, torse nu de l’air moite, j’effacerai le passé et j’exterminerai le futur. Le monde m’appartiendra, mes travailleurs seront choyés, bénéficiant de salles de sport, de bibliothèques et de chambres d’amour et de sieste. J’offrirai les fantasmes, Oasis perdue au milieu du chaos, Mon usine livrera de nouveau le rêve, elle estompera lentement ce temps où le corps maigrissait, où les rapports humains n’étaient que des phases de tension nerveuse oblitérant la dépression des temps anciens. Il y aura des hologrammes, il y aura des salles de production virtuelle, des hangars en carton-pâte où l’on mimera les usines du monde entier. Des robots construiront des voitures en toc, des façades, des tuyaux, des jouets et des armes de pacotilles…Les isoloirs installés dans l’un des grands halls, permettront à chacun de voter, désigner le contremaitre de tel ou tel entrepôt, le gaillard musclé surveillant la porte B ou A3. L’idée de démocratie participative sera à tous les étages, ouvrant l’esprit de chaque citoyen, lui offrant l’odeur douce et sucrée de la liberté de s’exprimer… Mais aussi, je sortirai, dans un Hummer ou une bête gracieuse de ce genre pour choisir de mon doigt, celui de Houssam usurpé… J’aurai des imitations de Damien, de Polo, des autres, des sosies fabriqués au scalpel, au bistouri… L’amour, les écrans, l’odeur du café, et la joie du moite qui met un instant à imbiber la pièce quand je jouerai à éteindre la clim’…  



Mon Usine, la suite… Texte hors roman



Andy Vérol

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