L'adieu aux réseaux sociaux


Il fallait que ça arrive un jour. Nous ne pouvons pas être multiple, nous ne sommes qu'un, un seul aux yeux des autres, de l'autre, comme un bloc, un impeccable bloc de granit rassurant, inaltérable, potentiellement harmonieux, pas disgracieux. Je n'ai jamais donné la vie, mais j'ai déjà donné la mort en éjaculant des milliers de fois dans des draps, des serviettes, des feuilles de papier toilette. J'ai donné du sens à l'autre avant de l'enlever, parce que pas impeccable, pas comme il faut. Il y a une fable, celle du pardon, celle que chacun invoque pour se prétendre plus christique que le christ. Mais c'est faux, tout le monde n'a de cesse de regarder les autres, vérifier les orifices de l'autre: car l'amour implique d'être pur, irréprochable, impeccable, soumis aux Dix Commandements, aux Cinq interdictions, à tous les piliers célestes...

J'ai donc choisi de me bannir des réseaux sociaux, pour être le bloc de granit sans altérités... Jusqu'à la mort. Il faut être pur, impeccable. Jusqu'à la mort... Certains ne trompent jamais, ne mentent jamais... et pourtant ils n'aident jamais la veuve et l'orphelin. Dieu fera les comptes./... Je suis le granit; je suis un bloc inerte, luisant, solide, froid. Je suis sans aspérités. 

Les réseaux sociaux étaient une belle arme pour la promotion de mes textes. J'y consacrais beaucoup de temps. J'ai construit ça doucement durant des années non sans failles, non sans parfois déraper, sans parfois m'égarer... Parfois... C'est parfois, c'est pas sans cesse ou tout le temps. C'est parfois... Mais voilà, il faut un bloc lisse, luisant, solide, massif... froid. Il faut se taire. Il faut écrire dans son coin. J'abandonne tout ce que j'ai construit depuis des années, non sans failles, non sans parfois déraper, sans parfois m'égarer... Parfois... J'avoue que me perdre est pour moi un moyen de revenir, de retrouver, de renforcer... Privé de mes parfois, je n'aurai plus de socle, je n'aurai plus rien, je serai un bloc lisse, froid et sans aspérités... jusqu'à la mort m'emporter.

Léonel Houssam



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