On parle des keufs, on parle de shit, on parle de politique, de meufs, de baise et d'amour - Chronique du quotidien pathétique

Photo: Yentel Sanstitre

Chronique du quotidien pathétique: j'écoute dans l'casque celui qui demande qui ose: Fliptrix. Je me retourne la tronche à la 8/6 en causant avec José, mon poto venu d'zonzon, de Cap Vert, d'galère, et ses paluches rugueuses. Zone d'échange: la gare RER de Cergy Préfecture. 19h11.
"Eh mon ami, toi qu'est un écrivain, tu vas m'mettre dans un de tes bouquins? 
- Yes José. Tu seras dans un de mes livres... Et tu y seras un héros, un être bon, une belle âme, ce que la société "réelle" ne te reconnait pas! 
- Merci mon poto. T'as pas moyen d'm'avancer une binouze?
- Bien sûr! Tu veux une 8/6?
- Nan sérieux, tu peux m'prendre une Pelforth".

Nous buvons contre les grafs crasseux du passage qui mène à la gare RER. Il me présente à tous ses potes, tous blackos ou rebeus, mastards, hostiles et rigolards... J'me sens bien avec ces gars. On se postillonne dessus, on s'marre, on sent bien que les passagers sortis du RER flippent bien, méfiants, gênés... 
J'ai ma veste de blaser, mes pompes en cuir hors de prix qui scintillent à mes pieds, un jean neuf acheté chez un solder. Ils sont tous en baskets, chemises à carreaux ou sweats hip-hop. On parle du Cap vert, on parle des keufs, on parle de shit, on parle de politique, de meufs, de baise et d'amour... José fait des grands gestes avec les bras. Son visage plein de cicatrices, vestiges multiples de bastons à répétition dégage une lumière et un charisme impressionnant:

"Eh les gars, Houssam, c'est un grand écrivain! Mais c'est pas un intello. Il est clean, le premier qui le fait chier, j'lui démonte la gueule ok?"
Des années que cette "amitié" qui ne dit pas son nom dure... Un jour, j'en ferai un livre. En attendant, José me taxe une nouvelle bine... Clope sur clope, quelques tafs de splif, l’œil caméra qui surveillent la venue éventuelle des keufs... Des néons éclairent laborieusement l'endroit. Les vagues successives de salariés dégueulés par les rames RER se tarissent peu à peu... José me dit: "Y'a qu'à toi que j'ai parlé de mon daron"... 
Il me claque une bise affectueuse: "Mon poto..."

Léonel Houssam

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