Les années du dérisoire qui s’assoient sur Artaud et Lautréamont




Dans la mesure où il faut rire de tout, se marrer et donc chier sur la souffrance d’autrui, d’un homme, d’un gamin aux dents pétées sur le bord du trottoir. Les années du dérisoire qui s’assoient sur Artaud, Lautréamont, sur les caricatures inversées faites pour détester la brimade, la rigolade… J’écris des romans noirs, lugubres, j’écris le trou du cul du village, le fion malodorant du monde contemporain… Car pour moi, rien n’est dérisoire, tout est important, de la première seconde inspirée à la dernière seconde expirée, je m'atèle à tuer la légèreté, à ressusciter les morts (car ils savent parfois se promener en robe de chambre rouge au fond de la chambre ou hurler outre-terre, déments). La peur, l’effroi, la perdition, la cage thoracique compressée, les yeux/panique et la poitrine paralysée, les membres cassés, les cris sourds sous la couette ou dans le placard, la puissance d’un bras musclé injecté de sang alcoolique. La torpeur, l’inévitable désir de mort, de s’écarter des vivants, de détester les voir faire comme si de rien n’était, comme si la haine et le désespoir ne grossissaient pas dans le cœur des petits monstres, les engeôlés enfants, puant le shampoing pour faire bien, les gencives impeccables et le bonjour monsieur, le bonjour madame parce qu’ils sont adultes, qu’il faut les supporter sans les supplier, être poli, correct sous les bras musclés injectés de sang violent, chaud qui tâche et se répand sur la moquette de l’enfant, dedans sa bouche, dedans sa gorge, dedans ses yeux transformés en gélules rouges vives… Voilà ce que j’écris. Voilà mes livres. Voilà, c’est tout. Le reste, je m’en fous.

Léonel Houssam

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