Dans un bain d'acide trompeur qu'on appelle la vie.




Ils sont les mains douces qu'on lave plusieurs fois par jour, les baskets neuves avec les lacets bien croisés que l'on n'oublie pas de bien nouer. Peu à peu, ses yeux se comblent de larmes, cette boule grossit gentiment telle une pomme d'Adam ingur-régurgitée sans fin. L'été à l'automne, les réacteurs au maximum de leur puissance, les séismes paraissent n'être plus que de simples rhumes à côté de la peste bubonique qu'est la fonte des glaces. Un calmant. Une gorgée de vin âpre chauffé plus que de raison. Une sensation douloureuse d'avoir des colonies d'aphtes monstrueux se substituant aux gencives. Une sieste serait un bien afin que les nerfs ne claquent pas, ces élastiques tendues qui s'étirent sous la peau. Puis il se lève, il doit se faire discret mais il n'a pas eu le temps de changer de place. Ces deux flics l'ont déjà rejoint. Il est debout. Ils lui demandent de se rasseoir, il s'exécute (la soumission, cette guillotine). Ils lui demandent ses papiers, surtout le brun à moustache. L'autre fait le décontracté, tout blond, l’œil giratoire, la main posée sur le manche de sa matraque. Les passants sont rouges, ils sont des petits culs serrés dans des jeans qui tortillent comme des vers dégoulinants, les passants qui font semblant de ne pas voir, qui font mine de viser les portes automatiques. Il a le sourire à l'intérieur et la lumière qui lui frappe le sommet du crâne. Les larmes ne sont pas séchées.

"Faut pas rester ici monsieur. Allez faire la manche un peu plus loin. Vous voulez qu'on appelle le Samu Social?
- Non ça ira Monsieur l'agent. J'irai ce soir en foyer. J'ai un coupon-ration pour une assiette de légumes, un sac de couchage, une poignée de calmants et un sommier à ressors. C'est tout simple.
- Allez allez on circule".

Ils attendent qu'il ramasse tout son barda. Ce gros sac plein de foutoir. Ils ne savent pas. Ils ne voient rien, ils ne regardent que les bonnes personnes, les propres dessus, dedans, ils ne regardent que ceux qui sont comme eux, les képis, ils regardent ceux qui gémissent de joie dans un bain d'acide trompeur qu'on appelle la vie. Il finit par se traîner plus loin, à pas lents. Il se posera à la gare des bus en attendant. Pour cela, il emprunte un tunnel piéton au plafond de coton-draps gris noir formé par les toiles d'araignées, les micro-particules, les merdes d'insectes et quelques miasmes planant balancés par les toux et les éternuements.

Léonel Houssam



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