FRANCA MAÏ. Divino Sacrum . Impressions de lectures 5
Divino Sacrum : un magnifique roman posthume de Franca
Maï.
L'année 2016 a vu naître un livre d'amour hors-norme. Chacun
sait le peu d'intérêt que je porte pour ce « genre » et pourtant
Divino Sacrum est une exception salvatrice. Cet ultime roman de Franca Mai
publié par les éditions OVNI est un cri d'amour et d'espérance mais aussi un
coup de scalpel dans le plastique trop aseptisé de la fable amoureuse dont on
nous rabat les oreilles à longueur de journée.
L'auteur -qui a quitté ce monde en 2012- nous balance
directement dans une lutte folle contre le cancer et ses myriades de dommages
collatéraux... Son personnage principal, Malva, nous transporte sans filet dans
sa chute vertigineuse dans l’inconnu. Le cancer, cet ennemi puissant, ronge son
corps, son esprit, détruit en partie sa féminité. La lutte contre les traitements,
contre la maladie, contre la douleur devient sa ligne de vie tout autant que
son obstacle à la liberté. Mais très vite, le crabe intègre son existence, avec
ses attaques agressives puis ses périodes d’affaiblissement face aux
traitements. Malva n’expulse plus ses selles de façon naturelle, elle maigrit
beaucoup trop, ne peut se laver durant de longues périodes, elle subit des
batteries d’examens perpétuellement, elle est branchés/débranchés, elle perd
une partie de sa féminité, de sa liberté de mouvements mais surtout elle doit
faire face à l’absence. Malgré une famille très présente lui offrant présence,
amour et soutien, la peur de mourir l’assaille sans cesse mais c’est la peur de
voir disparaître son grand Amour qui est la plus forte.
Le roman, avec ce style si direct, maitrisé, poétique,
entraîne le lecteur sur une face obscure de l’amour que l’on tait : la
fuite de l’autre, la perte de libido, la réduction de son être à l’état de
« souffrant » et non plus d’être aimé à part entière, de femme.
Lorsque le crabe perd de sa vitalité, que les effets secondaires des
traitements s’amenuisent, que Malva peut enfin se vêtir, gouter à la lumière du
soleil, reprendre la marche –même laborieuse- loin des hôpitaux, cliniques et
instituts, elle doit faire face à ce compagnon lunatique, qui refuse les
contacts physiques, qui ne l’accompagne pas, qui l’évite, qui se noie dans un
boulot nécessitant de nombreux déplacements. Malva met ça sous le coup de la
lâcheté, puis de la peur, puis d’une perte de désir pour un corps abîmé… Elle
est pendue à l’espoir d’une flamme ravivée une fois le pire dépassé. Elle fait
pourtant face à être se révélant incapable d’affronter l’horreur avec une
immaturité déconcertante. Malva réalise que c’est précisément cette personnalité
qui l’avait tant attirée au début de leur histoire. Elle découvrira ce qu’il y
a de pire.
Ce roman touchera toute personne qui le lira. Pour moi,
c’est un peu spécial car Franca Maï était mon amie, celle avec qui j’ai
beaucoup échangé, sur la vie, la littérature, les luttes contre le système
actuel qui écrase nos vies et nos libertés. Elle fut l’une des premières à me
soutenir, à me publier. Peu à peu nous avons noué des liens très forts, si
forts que lorsqu’elle écrivait ce roman, elle m’en lisait des passages, me
demandait conseils par téléphone, me demandait si elle pouvait « aller
plus loin ». Elle tenait à ce que ce livre soit le dernier, le plus fort.
Elle voulait que ce soit un breuvage pour la vie, pour ceux qui vivaient ce
qu’elle endurait, pour ceux qui doutent de l’existence. Son personnage Malva
tient beaucoup d’elle, sinon totalement. Elle offre une direction et un sens à
la vie, elle met en mots les non-dits, ce que notre société veut mettre sous le
tapis. Elle révèle la fragilité de l’amour avec un grand A mais elle réhabilite
l’amour familial ou amical. Elle applaudit le personnel soignant, les patients,
les voisins de chambre, les visiteurs, les couleurs, les odeurs, la fraîcheur
de l’eau et la présence de l’air que l’on respire. Elle rappelle que nous ne
sommes que les hôtes d’un corps, que nous sommes de passage et que l’instant,
surtout lorsque la douleur s’écarte un peu, est un infini à la portée de
chacun.
Les éditions OVNI sont les seules à avoir eu le courage de
publier ce livre magnifique. Les seules oui. Je ne m’étendrai pas sur les
autres qui l’ont refusé lâchement. Je ne les nommerai pas. Je ne dirais qu’une
chose : qu’ils changent de métier car laisser mourir un tel roman dans
l’oubli est tout simplement une trahison envers l’auteur talentueux qu’était
(et est toujours) Franca Mai, une preuve de cruauté à l’endroit de la
littérature, des lecteurs et de l’Humain en général. OVNI a fait un choix
magnifique : pour chaque livre acheté, 4€ sont reversés à un institut de
recherche contre le cancer. Connaissant Franca, elle aurait été remplie de joie
en sachant ça.
Si la littérature a encore un tant soit peu de sens et de
force dans notre société ultra-consumériste et dans le déni existentiel
permanent, alors Divino Sacrum contribue à la renforcer.
Léonel Houssam
(Article également paru dans le webzine Actualitté ainsi que sur Agoravox:
* http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/un-magnifique-roman-posthume-de-186126
* https://www.actualitte.com/article/livres/divino-sacrum-un-magnifique-roman-posthume-de-franca-mai/67832
* http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/un-magnifique-roman-posthume-de-186126
* https://www.actualitte.com/article/livres/divino-sacrum-un-magnifique-roman-posthume-de-franca-mai/67832
Se procurer le roman : http://www.ovni-editeur.com/_p/prd1/4542951441/product/divino-sacrum
Pour chaque exemplaire acheté, 4€ seront reversé au premier
centre européen de lutte contre le cancer : Gustave Roussy est un centre
de soins, de recherche et d'enseignement, qui prend en charge des patients
atteints de tout type de cancer. https://www.gustaveroussy.fr
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