Mort de George Michael : un dieu parmi tant d’autres

L'année 2016 a été "riche" en décès de stars. Le dernier en date étant la pop-star George Michael qui succombe en pleine période de fêtes. Une vague de "RIP" reprend sa course folle sur les réseaux sociaux. Chacun a à cœur de rendre un hommage à sa petite divinité du show-business... 


Le RIP de star, une prière moderne.
En ce qui concerne cette vertigineuse vacuité du RIP en réseau, il est pour moi important de structurer ça en storytelling indécent auquel chacun participe avec gourmandise.

Créer la saison 2015-2016 des décès de stars et autres vedettes avec ses articles dans les magazines People, les photos de leur décrépitude physique (pour ceux qui sont morts des « suites d’une longue maladie ») et surtout le relai puissant de chacun, dans sa piteuse existence révélant son appétence pour des artistes pop/creux, de variété ou de rock de classe moyenne en passant par les comédiens/acteurs aux carrières en dents de scie se produisant généralement dans des navets d’auteurs ou de grosse production (perçus comme des chefs d’œuvre deux trois décennies plus tard). Chacun y met du sien et pourtant, pas un seul hommage appuyé à ces producteurs de l’ombre qui ont fabriqué ces purs produits de divertissement. Car disons-le tout net, on ne « RIPE » pas (du néologisme indispensable « RIPER ») ceux qui créent, on ne ripe que des idoles, des « étoiles » qui s’éteignent (Quelle immonde expression !), ces petits dieux en « poster » dans les chambres d’ados, imprimés sur des tee-shirts et en mimétisme « lookesque ». L’insipide élevé au statut de divinité, des Vierges Marie, des Jésus crucifiés par milliers qui prônent l’amour « forever together », qui remercient la planète entière en recevant des gros trophées dorés en guise de « meilleur acteur/actrice », de « meilleur clip »,…
Des chambres d'ados à ciel ouvert.
On « ripe » pour « honorer » la mémoire express de l’idole dézinguée par cette « putain de mort »… A défaut d’un au-delà, on se pavane dans un en-deçà du réel, dans la boue électrique des réseaux. Un mort en remplace un autre. Car nous ne fêtons pas la naissance de ces « dieux » de la Pop ou du cinéma contemporain. Nous ne célébrons pas leur venue au monde car précisément, ils n’ont de divin, d’iconique que ce que les millions d’euros investis en eux par l’industrie de la culture et du divertissement dans leur carrière ont pu mettre au jour. Ils sont nés avec un tube ou un film. Un seul tube ou un seul film numéro UN au box-office dans une carrière, et voilà l’idole considérée comme une vedette. Plusieurs au compteur et les voilà stars. Plusieurs au compteur sur plusieurs décennies, et nous voilà face à des dieux sur Terre. C’est là qu’entrent en jeu les « internautes », aux commandes de leurs comptes Facebook, Twitter ou Instagram, telles des chambres d’ados à ciel ouvert, exposées les unes à côté des autres, en bord d’une route nationale, reluquées par les voisins mais aussi les quidams de passage sur le trottoir d’en face. Chacun, à la hauteur de sa sensibilité, de l’impression d’époques révolues, inscrit son RIP Bowie, RIP Galabru, RIP Delpech, RIP Bidule/Chose. Notez qu’il s’agit généralement d’artistes qui étaient sortis de la scène, qui n’étaient plus vraiment là, qui étaient passés de mode ou dont les œuvres les plus récentes étaient reléguées au rang de fiascos commerciaux. 
Des selfies en contre-jour, camouflant leur profonde humanité.
Pourtant, avec les années et Internet aidant, ces grandes divinités contemporaines se raréfient, vieillissent, meurent. Le renouvellement ne s’effectue plus avec la même intensité. Le web produit des millions de mini-stars de niche auto-proclamées. Il y a bien quelques Rihanna, Lady Gaga ou Mat Pokora qui, à leur tour, descendront dans les affres de la « divinitude » oubliée avant, peut-être, de bénéficier d’une ultime vague de RIP à leur mort, après des années de solitude, d’anonymat forcé, de galas tristes, de revivals foirés et surtout des suites d’une longue agonie qu’ils auront cachée tant bien que mal en « tweetant » des selfies en contre-jour, camouflant leur profonde humanité révélée par la maladie, la dépression, le désespoir. 
Nous vivons à l'époque où ceux qui ont le moyen de se procurer des outils de connexion au cerveau mondial peuvent se répandre, s'étaler, faire des petites vagues, mais lorsque la mort les frappe -tous, pour rappel - ils sont dissous dans le brouhaha général, ils deviennent poussières numériques. Une œuvre posthume dure six mois pour des méga-stars (en phase de disparition généralisée) et quelques secondes pour un écrivain sans carrure ni succès.
Internet n'a pas encore trente ans et il n'est généralisé que depuis quelques années. Ainsi, nous connaissons encore très peu de personnes qui sont nées avec internet et qui mourront avec internet... C'est inquiétant. Tout le monde peut s'imaginer important dans ce "machin" alors qu'en réalité, il a mis en décote le destin de chacun. Le décès est une information qui se consomme et le deuil est une phase éclair, une purge TGV, à l'instar de la course poursuite en accéléré de la série comique Benny Hill.

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