Mon pote était attaché parlementaire. Histoire autobiographique



Histoire vraie: en 1999-2002, je sortais chaque soir et je picolais plus que mes organes internes pouvaient le supporter. Bref. Mon "fief" d’ivrogne était une enfilade de pubs/bars branchouilles de banlieue pourrie. Je traînais avec une bande de bras cassés tous aussi beurrés, festifs (débiles) que moi. Parmi eux: un attaché parlementaire, le neveu d'un député d’Ile-de-France. Il avait 22/23 ans, aucun diplôme mais surtout il était con comme ses pieds, roulait en bagnole de sport hors de prix, portait une Rolex, etc. Ce mec nous arrosait toutes les soirées de Champagne (à 400 francs la bouteille soit 130€, il en commandait jusqu’à dix certains soirs), pour "pécho" des filles surtout (mais au regard sa gueule et de son niveau de conversation proche de celui d’un singe bourré aux amphet’, il ne chopait que du vent avant d'aller aux putes). Il payait tout, se blindait de coke. Il gagnait à l'époque 80 000 francs par mois (13000€). Je lui disais que c'était vraiment dégueulasse d'autant qu’il ne foutait rien de ses journées tandis que je galérais avec un smic. J’exagère. Le jour, il faisait de la muscu’, des rodéos avec son bolide et il s’enquillait des paquets de chips en jouant à la console de jeux. Il m'avait répondu un truc qui m’avait marqué et mis en colère: « Mais c'est légal, c'est le système qui est comme ça ». Tout ça a duré des mois, quelques années. Quand l’alcool submergeait entièrement mon jugement, je me prenais à rêver de lui vider entièrement les poches. Nous étions deux-trois dans notre bande à rêver de lui prendre jusqu’au dernier centime. Ce type était abject, l’incarnation du macho à petit chibre qui se la racontait… Sans son fric, il est certain que je n’aurais pas passé plus de deux minutes en sa compagnie, et encore par temps de brouillard et dans un coma profond, un flingue sur la tempe. Seulement, avec mes fins de mois qui se terminaient le 6 (et ça ne s’est pas vraiment amélioré par la suite), un studio de 18 m² dans une cité infestée de dealers et de cas sociaux, je goûtais un peu un luxe : celui de me murger à l’œil dans un espace chauffé, bruyant, sécurisé. Une fois ivre, tous les principes moraux sont déformés, effacés par des considérations bestiales. Un soir d’embrouille comme les autres, tandis que je m’apprêtais à me foutre sur la gueule avec un ennemi de beuverie, ce mec est venu, a retiré sa Rolex qu’il a confié à un ses « amis » et a foutu la pâtée à celui qui voulait m’en mettre une, sur un parking désaffecté à quelques dizaines de mètres du pub où nous avions rempli les cuves à pipi. Je lui en fus vraiment reconnaissant. Je finissais presque par m’attacher à lui…
Un jour il a disparu de la circulation, non pour poursuites judiciaires mais pour overdose... Il s'appelait Stéphane et il avait toujours refusé de me donner le nom de son oncle député.


Léonel Houssam

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