A la radio, ils parlent de terroristes




« Je transpire, je suis poisseux, dégueu, mais qu’est-ce que je suis bien mon copain ! Mon soldat ! Mon tapin contraint… Arrête de te frotter le cul comme ça. Le sang, il cessera tout seul. Tu vas cicatriser si je t’en laisse le temps, c’est tellement bandant de t’avoir sous la main. Je sais qu’ils désapprouvent. Je sais que tes amis dans ton camp me traiteront de barbare, de monstre, de « pas humain », en attendant, tu bandes aussi, tu gicles aussi, et t’es bien heureux que je te finisse dans ma bouche. Ok, t’es en cellule. Mais tes autres copains en cellule ont même pas le droit à une récréation. Ici, tu jouis, t’as du café, des clopes et tu partages mes boîtes de thon et de petits pois »
L’air pique, violentant les corps. Tout est calme. L’artillerie se prépare sans doute, verrouillant un peu plus la micro-République. A la radio, ils parlent de terroristes. Les terroristes n’ont pas de visages, ou tout juste des photos hideuses diffusées en boucle, plus d’humanité, plus de combats, de fêlures. Ils sont les faire-valoir du système, la pitance pour les esprits faibles shootés à la consommation. Ils sont l’artifice, «l’ennemi » qui terrifie. Ils sont la caution à l’autoritarisme sécuritaire et au conformisme globalisé.
« Ils sont géants par leur puissance mondiale tentaculaire, mais tellement microscopiques par l’esprit. Voilà pourquoi nous sommes là. Ils pourront nous traiter d’animaux, de monstres, de ce qu’ils voudront, nous sommes une colonie de streptocoques se baladant dans un corps moribond, rongé par la maladie, par la puanteur, par les escarres, les tumeurs. Nous venons mettre un point final à l’agonie. Qu’ils ne nous donnent pas de noms, qu’ils effacent nos identités dans les médias, dans toutes les couches de la société, nous n’en avons strictement rien à foutre. Nous sommes l’avant-garde de la destruction finale. C’est pas nous qui les anéantiront totalement. Ils crèveront tous dans leur propre merde, toutes les classes moyennes, toutes les classes riches et tous ces petits soldats des classes populaires aussi flasques que des limaces. Ils ont commencé. Ils tirent sur la corde. Ils disent ce qu’ils veulent. Nous n’invoquons pas leur indulgence, leur compréhension, leur compassion, ce sens de la justice qu’ils revendiquent pour eux-mêmes mais jamais pour leurs ennemis. Nous ne demandons rien à tes copains. Ils peuvent réprouver le fait que je me vide dans ton cul, ils pourront dire que c’est du viol, ils diront tout ce qu’ils veulent. Leurs soldats, tes collègues, n’ont pas boudé leur plaisir dans les pays où ils sont allés combattre, baisant en douce les jeunes femmes, leur offrant du Coca, des chewing-gums et des promesses de vie en occident. Vous les soldats de ton camp, vous prenez, vous vous servez avec l’aval de vos institutions internationales corrompues, asservies, à la charrette de la pieuvre mondiale que vous défendez »
Son corps ruisselle. Bertrand claque des doigts pour ordonner que l’on vire Bastien de sa chambre. Dans le jardin, un combattant s’est endormi sur un transat jaune poussière. Son arme déposée sur la palissade en bois. Son prénom est David. Mais l’ennemi l’appelle Dangereux. Près de lui, une combattante. Son arme déposée contre la rambarde du petit escalier par lequel on accède à la maison. Du même âge que David : vingt ans. Son prénom est Léa. Mais l’ennemi l’appelle Dangereuse.
Extrait de « Notre République ». Fiction en cours d’écriture.

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