Dix fois que je te baise petit soldat



« Quand je bossais comme un chien sur une plateforme téléphonique d’un service après-vente à la con, ils mettaient des sonneries douces et zens à nos téléphones. On avait des sièges de bureau assez confortables et on pouvait demander un casque anti-irritations pour les oreilles. Toute la journée, je répondais à des gens qui se plaignaient. Ils achetaient n’importe quelle connerie, un sèche-cheveux ou une cafetière, et ça pétait, ou ça fuyait, ou ça prenait feu… On était payé au SMIC, c’était ce qu’ils avaient de mieux à nous proposer. Moi pour compenser, je me tapais ma cheffe, une femme de quarante ans tellement maigre qu’elle avait la peau qui se fourrait dans tous les creux des os. Pas beau, mais bon. Après la journée, je lui sautais dessus. J’avais de bons chiffres et j’avais une bonne queue. Elle était heureuse la célibataire endurcie. C’était le début de la République. Tout commençait déjà à s’effondrer. Quand on te donne un petit moins à chaque nouveau job, tu ne revendiques pas, tu adaptes tes consommations jusqu’à ce que tu n’aies plus que des factures à payer et une main pour quémander quelques pièces après une journée de labeur. Moins tu as et moins tu demandes, plus tu t’organises. Tu vis comme un rat en quête de bouffe toute la journée… J’ai appris à être débrouillard et sans pitié »
Bertrand s’étale de tout son long sur le matelas deux places couvert d’un drap-housse taché de pisse, de sperme, de bouffe. Face à lui, devant le lavabo dans lequel trois litres d’eau de pluie crasseuse sont stockés, un petit brun, nu, musclé, aux fesses rebondies qu’il lave frénétiquement avec sa main droite préalablement couverte d’un reste de gel douche jaunâtre.
« Tout ça pour te dire que t’es un de nos trois prisonniers. T’es du camp adverse et tu sers leurs intérêts. Mais tu vois, quand je t’ai enculé la première fois, tu criais comme un chien qu’on tabasse à coups de ceinture… La seconde déjà, tu émettais des petits gazouillis de dégoût et des petits cris de lycéenne dépucelée… Maintenant, ça fait quoi, dix fois que je te baise petit soldat, et tu as la queue bien raide quand je te prends… Au fur et à mesure, au lieu de gueuler comme un con, quand t’as compris que ça serait ton lot pour un bon moment, t’en as pris ton parti. Et tu prends ton pied tant qu’à faire ! »
L’autre se retourne, lui balance un doigt d’honneur avant d’attraper son caleçon, son jean et son tee-shirt qu’il enfile rapidement.
« Ouuuh le féroce soldat se rebelle ! Tu es drôle Bastien. T’es un gamin du haut de tes 19 ans, et tu te crois arrivé. Avant de te faire choper par moi, tu croyais que t’étais un défenseur de ta nation de chiens des finances, beau gosse, capable de pécho les plus belles meufs de ta ville de garnison, et te voilà vissé sur le sexe de ton ennemi, en bandant comme un taureau en manque… Sois pas con, rejoins Notre République. T’es jeune, t’as tout l’avenir et je te récompenserai pour ça… »
Bastien sort de la pièce. Immédiatement ses poignets sont ligotés dans le dos par un homme en faction avant d’être poussé vers les escaliers en direction de la cave qui lui sert de cellule. La vie va. Bertrand rêvasse et s’imagine encore avec son prisonnier. Il est heureux. La cigarette qu’il allume forme des volutes grises dans la lumière orange pâle du crépuscule. L’hélicoptère ennemi en est à son dixième passage, essuyant des tirs sporadiques lorsqu’il tente de s’approcher un peu trop près de la République.
Extrait de « Notre République ». Fiction en cours d’écriture.

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