Je crois aux requins, aux lézards, aux scorpions, aux rats, aux virus et aux bactéries.




« Imagine, on était tellement dans le confort et la profusion qu’il y avait des concours de Miss Obèse et des émissions de cuisine à gogo ! On bouffait comme on gavait des oies. On disait « les arts de la table » quand nos grands-parents bouffaient un pot-au-feu à tous les repas pendant quatre jours. On était tellement intoxiqué à la bouffe en quantité industrielle qu’on osait dire à la pause de midi : « Putain j’ai trop faim, j’ai trop la dalle, je vais m’évanouir si je mange pas », comme si on avait ingurgité une pomme de terre et un quignon de pain sur les quatre derniers jours… On croupissait tellement dans notre médiocrité, qu’après avoir payé le loyer, rempli les placards, saturé la baraque d’écrans, galopé dans une bagnole, sur une moto ou un biclou, on répondait à « Comment tu vas ? » par « Ben je survis ». C’est dingue quand t’y penses. 
- C’était cool ça. 
- Ah ouais tu trouves ? On niquait la planète et on bousillait nos défenses naturelles. 
- Ouais mais c’était cool. 
- Le reste du monde vit encore comme ça. Y’a que dans Notre République qu’on a balancé toute cette merde.
- J’aimais ça. Mais c’est vrai qu’il faut pas y revenir. On essaie un nouveau monde, mais je sais pas si on va y arriver »

Bertrand marque un temps.
« On va sûrement se faire déchiqueter. Mais on aura essayé. A la radio, ils disent qu’on est des terroristes. Tout ce qui n’est pas avec eux et qui leur résiste à coups de pompes, c’est terroriste. 
- On peut y arriver.
- J’en doute fort. Sur les réseaux sociaux, les fachos et les gauchos sont aussi ligués contre nous. Ils sont rongés jusqu’à la couenne par la propagande. Les identitaires n’ont plus de dieu, ou alors un dieu à la petite semaine qui n’engage pas à grand-chose. Alors ils ont leur mythe à eux : la Nation. Ils peuvent pas saquer les bourgeois, et pourtant ce sont les bourgeois qui ont inventé la nation pour mettre au pas ces petits nerveux sans spiritualité à la spiritualité low-cost. 
- Et alors, on va pas plier devant eux. 
- Et t’as les gauchos. Pareil. Eux ils ont tué dieu, pas bien, pas concret, pas assez de gauche pour eux, pas assez cool. Y’a qu’avec un exta ou un splif qu’ils se frottent à l’invisible. 
- C’est des clichés. 
- Nan, ils ont remplacé dieu par l’humanité. Ils CROIENT en l’humain. Ils me font marrer. Aussi cons que leurs ennemis fachos. L’humain, Hitler, Staline, Napoléon étaient des humains, ils incarnaient d’ailleurs toute l’Humanité : salope, putain, criminelle, avide, jalouse, cannibale, psychopathe, hypocrite, diabolique… 
- Il y a aussi du bon dans l’humain. 
- Tu vas me sortir l’Abbé Pierre, Mère Theresa, la vieille fille qui nourrit des chats ou l’étudiant qui passe ses vacances dans une association humanitaire… Bollocks. Moi je crois aux requins, aux lézards, aux scorpions, aux rats, aux virus et aux bactéries. Je crois en l’Univers, je crois en l’immensité, au temps qui forme une gigantesque ceinture autour de nous. Le passé est le futur. Le futur est notre passé. Notre présent est un hameçon pour nous tirer vers la cible. 
- Quelle cible ?
- Le vortex. 
- Le vortex ?
- C’est de là où nous venons et là où nous repasserons… En attendant, ici, maintenant, l’instant, l’hameçon, c’est Notre République, c’est open-bar… Amène-moi encore mon petit soldat. Bastien.
- Encore ?
- Oui amène-le. Je gère le stress. Il m’apaise ce petit con. 
- C’est un prisonnier. On devrait le traiter selon les principes de Notre République. 
- Notre République s’applique à nous. Pas à l’ennemi. Amène-le, je suis chaud »

Il ne faut pas plus de cinq minutes pour que le jeune pénètre dans la chambre. Bertrand est nu. La queue dressée : « Viens là mon petit soldat. Je vais te véhiculer quelque part. Tu m’en diras des nouvelles »
Extrait de « Notre République », fiction en cours d’écriture.

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